Sommaire
Les mutilations génitales féminines, de quoi s’agit-il ?
Prévalence des MGF dans le monde …et en Belgique
Violation des droits de l’Homme
Les MGF, de quoi s'agit-il ?
L’Organisation mondiale pour la santé (OMS) définit les mutilations génitales féminines (MGF) comme tous les procédés qui impliquent «une ablation partielle ou totale des organes génitaux féminins, ou encore toute autre lésion des organes génitaux féminins, effectués pour des raisons non-thérapeutiques» (OMS 2008, Éliminer les mutilations sexuelles féminines, Déclaration inter-institutions HCDH, OMS, ONUSIDA, PNUD, UNCEA, UNESCO, UNFPA, UNHCR, UNICEF, UNIFEM.)
L’excision (terme plus général), est généralement pratiquée sur des fillettes entre quatre et douze ans. Cependant, une femme peut être mutilée plusieurs fois à différents degrés et à tout âge, que ce soit à titre de sanction ou pour tout autre motif (à l’approche d’un mariage par exemple, ou suite à un accouchement).
L’OMS classe les MGF en quatre types :
- « La clitoridectomie » (type 1) est l’ablation partielle ou totale du capuchon du clitoris et/ou du clitoris;
- « L’excision » (type 2) comprend l’ablation partielle ou totale du clitoris et des petites lèvres, avec ou sans excision des grandes lèvres;
- « L’infibulation » (type 3) consiste à suturer de bord à bord l’orifice vaginal pour le rétrécir, avec recouvrement des petites et/ou grandes lèvres;
- Toutes autres interventions pratiquées sur les organes génitaux à des fins non thérapeutiques (type 4 = incisions, ponction, cautérisation, percement scarification, etc...).
Les MGF sont parfois pratiquées pour des raisons esthétiques, pour des croyances hygiéniques ou qui favoriseraient la fertilité.
La poursuite de ces pratiques s’inscrit surtout dans une tradition bien ancrée. Les parents n’ont souvent pas conscience des dangers que présentent les MGF pour leurs enfants, et les considèrent comme légitimes en raison de la coutume, ou pour protéger leur fille contre l’exclusion sociale. Dans certaines régions, une femme intacte sera considérée par la communauté comme sale, impure et de ce fait, trouvera difficilement un mari.
Les MGF reflètent clairement une volonté sociale de contrôler la sexualité et l’autonomie des femmes.
Dans certaines régions la coutume se perpétue pour des raisons religieuses. Pourtant, aucune religion ne prescrit cette pratique. Elle est d’ailleurs antérieure à l’avènement de la religion musulmane ou de toute religion monothéiste.
Prévalence des MGF dans le monde
Les estimations les plus récentes (UNICEF 2016) estiment que 200 millions de filles et de femmes ont subi une mutilation sexuelle féminine et que 3 millions de filles sont à risque chaque année. La moitié de la population concernées soit 100 millions est répartie dans trois pays : l’Egypte, l’Ethiopie et l’Indonésie. Si la pratique est présente dans au moins 28 pays africains, elle est aussi très présente en Asie (Indonésie, Malaisie,…), et dans une moindre mesure, au Moyen-Orient (Irak, Iran, …) et en Amérique Latine (Colombie, Pérou).
La prévalence diffère beaucoup selon les régions, y compris au sein même des pays. Le groupe ethnique et la région d’origine en sont des facteurs déterminants.
… Et en Belgique
Dans un contexte de mondialisation, la pratique de l’excision s’étend également au sein des pays d’immigration.
En Belgique, nous sommes aussi directement concernés par cette pratique. En effet, la dernière étude de prévalence coordonnée par l’IMT d’Anvers et soutenue par le SPF Santé publique montre qu’au 31 janvier 2012 on estimait à 48 092, le nombre de femmes et filles originaires d’un pays où l’excision est pratiquée. Parmi celles-ci, 13112 sont très probablement excisées et 4084 sont à risque de l’être. La Région flamande compte 6761 filles et femmes déjà excisées ou à risque de l’être ; la Région de Bruxelles-Capitale 5831 et la Région wallonne 3303. On doit y ajouter 1300 filles et femmes demandeuses d’asile qui n’ont pas été réparties dans les trois régions, comme elles ne sont pas enregistrées au registre national.
Estimation de la population féminine très probablement excisée ou à risque de l’être par province au 31 décembre 2012. (Sources : DGSIE, ONE, K&G)
Cette estimation doit être vue comme une estimation basse avec une arrivée importante de réfugiés originaires de pays qui pratiquent l’excision (Somalie, Erythrée, Irak) en 2015 et 2016.
Les fillettes vivant en Belgique, et originaires d’un pays à forte prévalence ne sont donc pas à l’abri d’une excision en raison de la pression sociale de la communauté ou à l’occasion d’un retour au pays pendant les vacances.
En Belgique, les MGF sont interdites. Pour protéger ces filles, la Belgique s’est munie d’une disposition pénale spécifique qui condamne toute personne se trouvant sur le territoire qui aura participé à une mutilation sur une fille ou une femme en Belgique, ou à l’étranger (article 409 du CP et l’article 10 ter du CIcr).
Conséquences sur la santé
Les mutilations sexuelles exercées sur les enfants et les femmes peuvent engendrer des conséquences considérables à long terme sur la santé physique, mentale ou sexuelle des femmes et des filles.
Les MGF sont le plus souvent pratiquées en dehors des règles élémentaires d’hygiène sans anesthésie, avec les conséquences que l’on imagine en termes de douleurs, de traumatisme et de transmission de maladies.
Il peut s’agir tant de complications immédiates sur la santé physique (douleurs aigues, état de choc, hémorragie pouvant entraîner la mort, septicémie, lésions sur les organes voisins, fractures, etc.), que de complications à plus long terme telles que des infections urinaires, génitales et pelviennes, la stérilité, des douleurs chroniques, menstruelles, des kystes, difficultés à l’accouchement, et morts fœtales,etc.).
De plus, une femme mutilée risque de connaître des rapports sexuels douloureux et une perte du plaisir.
Les MGF génèrent également des troubles psychologiques comme l’anxiété, la névrose, la dépression ou le syndrome post-traumatique.
Lorsqu’une une femme a été infibulée (MGF de type 3), elle est exposée à subir nombreuses violences sexuelles au long de sa vie puisqu’elle peut être désinfibulée et ré-infibulée successivement (à la suite de rapports sexuels ou d’accouchements). Une femme qui a subi une excision de type 1, 2 ou 4 peut subir une nouvelle forme de MGF plus sévère.
Les mutilations sexuelles sur les femmes sont assimilées à la torture, et sont des traitements inhumains et dégradants, contraires à de nombreuses Conventions internationales.
Violation des droits de l’Homme
La communauté internationale reconnaît les mutilations génitales féminines comme une violation grave des droits de l’Homme. Ces pratiques privent les femmes et les enfants de leur droit :
- à l’intégrité physique et mentale;
- à un niveau de santé maximal;
- à ne pas subir de torture ni de traitements cruels, inhumains et dégradants;
- à ne pas être soumises à la violence ni à une discrimination fondée sur le sexe;
- à la sécurité;
- à disposer de son corps;
- dans certains cas, le droit à la vie.
Pourtant, les États ont signé de nombreux instruments internationaux et régionaux afin de protéger ces droits et d’interdire de telles pratiques.
Ainsi, à côté des textes fondateurs tels que la Déclaration universelle des droits de l’Homme, le Pacte International relatif aux droits civils et politiques adopté en 1948, le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels adopté en 1966 et de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, d’autres textes ont été adoptés et condamnent violences à l’égard des femmes et des enfants telles que les mutilations génitales féminines. Il s’agit entre autres de la Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes de 1979, la Convention des Nations-Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants de 1984 ainsi que la Convention internationale relative aux Droits de l’Enfant de 1989. Plus récemment, le 20 décembre 2012, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une Résolution A/RES/67/146 sur l’intensification mondiale visant à éliminer les mutilations génitales féminines par laquelle elle engage les États, à intensifier les campagnes de sensibilisation et prendre des mesures concrètes contre les MGF. En décembre 2014, l’Assemblée générale a également adopté sans vote la résolution Résolution A/RES/69/150 par laquelle elle engage les États à mettre davantage l’accent sur la formulation de stratégies globales de prévention des mutilations génitales féminines.
En outre, le Conseil de l’Europe a adopté en mai 2011, la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique qui, est un instrument juridique contraignant pour les Etats qui l’ont ratifiée. La Convention dite « Convention d’Istanbul » oblige les Etats à prévenir les MGF, protéger les femmes et les filles en danger ou victimes, à poursuivre les auteurs en justice et à instaurer des politiques globales pour lutter contre ces violences.
Les pays africains membres de l’Union Africaine ont également adopté des mesures en vue de promouvoir et assurer le respect des droits des femmes africaines. Le Protocole relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo) adopté le 11 juillet 2003 par l’OUA, prévoit expressément que « les Etats interdisent par des mesures législatives assorties de sanctions, toutes formes de mutilations sexuelles féminines, et toutes autres pratiques néfastes qui affectent négativement les droits des femmes » (article 5).
En matière d’asile, selon les Principes directeurs du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sur la protection internationale, les MGF doivent être considérées comme une persécution liée au genre au sens de la Convention de Genève. Une femme qui risque de subir un tel traitement dans son pays d’origine et que celui-ci ne peut lui accorder une protection, elle peut demander l’asile dans un pays signataire de la Convention.
Malgré les efforts entrepris par certains pays pour éliminer les MGF, la pratique se poursuit dans de nombreux Etats. En effet, les mesures adoptées ne sont pas souvent effectives et très peu des exciseuses ou des commanditaires sont poursuivis par la justice. Le principal obstacle à combattre efficacement les mutilations génitales reconnues pourtant dans ces certains pays comme un délit, consiste en ce que ces pratiques sont profondément ancrées dans certaines communautés. Dans ce contexte les autorités étatiques sont parfois réticentes ou incapables à les réprimer.